1500 mots (+/- 10%) Début imposé - Uniquement pour les habitants de la Vendée ! (c’est nul !)
« Autour de la grande table, les corps se figent, les fourchettes restent en suspens, Papa prend sa voix solennelle : “Mes enfants, après mûres réflexions,
votre mère et moi avons pris la décision de … nous séparer. Notre choix est murement réfléchit et sans appel. La maison sera vendue d’ici
peu. J’irais vivre sur Liège chez une amie et votre mère a choisi d’aider Mamie Paulette pendant quelques temps…
Le regard oscillant entre le visage décomposé de
ma mère et celui de mon père affirmé. Dure. Déterminé. Stoïque comme à l’accoutumé. Je m’enlise seule dans ce qui n’est plus. Ce qui n’a certainement toujours été qu’un mensonge mais dont
l’illusion réchauffait mon enfance tout comme celle de Claude et de Sophie. Dominique ayant été élevé à l’institut Sainte-Anne, ce ne doit pas être pareil pour lui. Il ne doit pas voir ce
désastre de la même façon que moi… pensais-je pour me rassurer.
La fourchette vide. La bouche serrée sur un
morceau de gigot invisible, Nicole reste bouche bée. Stupide. Les yeux hagards devant les sanglots étouffés. En bonne ainée, elle devrait dire quelque chose. Consoler les âmes. Choyer les plus
petits. Mais ils sont tous adultes à présent et la mascarade a assez durée. En une pensée, elle résume l’inévitable. La suite logique d’une infidélité répétée. D’un désaccord profond. De choix
isolés et d’un couple gâché par le remord… Ils n’ont tenus bons que pour nous et maintenant c’est fini.
Trépignant sur sa chaise, Sophie Tardien
aimerait dire quelque chose mais n’ose. La cadette est timide et très certainement pas téméraire, c’est pourquoi les minutes se font longues jusqu’à ce que le patriarche décide de quitter la
table. De planter le diner juste avant le fromage et de sortir par la grande porte d’entrée en un final majestueux menée d’une main de maitre. Obligeant (presque) des applaudissements pour toutes
ses années sacrifiées à être à mi-temps avec eux. À leur avoir donné trop (peu) de sa vie. Trop de son argent aussi. Mais il n’obtient que des regards vides. Perdus. C’est pour ça qu’il est
partit. La salle n’était pas assez enthousiaste !
- Maman… ?! se risque Nicole lâchant son ironie.
Incapable d’articuler un mot, Jacqueline Dubois
devenue Jacqueline Tardien 25 ans plus tôt, grince des dents. Rougie de larmes. Elle ne sait pas quoi leur dire à ses enfants. La vérité est dure. Le leurre était si facile qu’elle avait espéré
qu’il ne s’effacerait jamais. Après tout, elle avait tant accepté pendant toutes ces années, pourquoi cela ne pouvait-il pas continuer ? Pourquoi ne pouvait-il plus continuer à batifoler
partout en les laissant tranquille ? Inutile de chercher des explications, elle savait pourquoi. Tout est à cause de cette jeunette gourmande qui lui a tourné la tête. Promis une vie plus
agréable avec elle. Avec plus d’amour comme il dit !
Lâchant leurs regards emmêlés. Troublés. Gâchés
par leurs incompréhensions et le coup de massue qu’ils viennent de prendre comme un coup d’état sur la tête, elle part s’allonger. S’isoler. Et, déverser son chagrin sur un oreiller solitaire.
Abandonné tout comme elle à son triste sort. Sans avenir. Sans réconfort. Sans rien pour se consoler et se donner envie de vivre…
- Qu’est ce qu’on va faire ? commence Claude.
- Je ne sais pas. Réplique Sophie immédiatement, déchirant son cœur, devant tout le monde. C’est que la plus petite fille de la famille
n’a jamais voulu ouvrir les yeux sur la souffrance de sa mère et que là elle a tout pris en pleine figure !
Refusant les chamailleries de gosses qui de
‘bienfait’ en injures risqueraient plus d’affaiblir ce qui reste de leur unité familiale, Nicole pose ses mains sur la table. Médite. Jette un clin d’œil à son petit frère et ouvre la bouche
enfin.
- Il va falloir s’organiser. Maman a besoin de notre aide. Dès demain, je propose un conseil d’état chez Mamie Paulette. Barbecue de
rigueur. Tenue aisée pour pouvoir emmener tout ce que Maman veut garder d’ici. Reprenant sa respiration sur ce ton autoritaire que son père lui a inculqué pendant des années d’élevage à la dure
en mode garçon manqué, Nicole s’apaise. Une main dans celle de Dominique, elle se calme. Juste assez pour le regarder avec amour et reprendre.
- Chacune des filles a son logement propre. Donc chacune se servira dès demain de ce qu’elle veut garder d’ici. Avant la vente. Tout en
demandant d’abord aux autres s’ils acceptent. Je me charge du paquetage pour Dominique ainsi que de l’administratif de l’institution. Il faut le plus possible décharger maman de son fardeau. Elle
a besoin de nous. Tous. Unis. En clair si j’en vois une miauler auprès du père, je lui fais sa fête, compris ?!
Le ton est donné. Personne ne bronche. L’état de
guerre est prononcé. Les directives doivent être suivies. Il en va de la survie de leur cocoon éclaté. Le père d’un coté. La mère et ses enfants de l’autre. Comme cela l’a toujours été
finalement…
Dès le lendemain, le siège est posé au Bigara.
La demeure familiale des Dubois transmise depuis six générations. De mère en fille. Rabattue sur les rangs, la grand-mère se joint à la rébellion. Non mais quel malotru cet infidèle méprisable.
Je ne l’ai jamais apprécié de toutes les façons, moi, avec ses airs de séducteur de bas étage… Grimaçant et se vouant corps et âmes à ses petits enfants Mamie Paulette (pour les intimes), deux
paniers de ravitaillement sous le bras, se joint au tri et débarras de ce qui fut et qui ne sera plus foi de Paulette Dubois !
La journée s’écoule. Le dimanche aussi. Si bien
que le rendez-vous est reconduit le week-end suivant avec des taches allouées a chacun. Nicole est chargée de référencer la maison auprès de l’agence immobilière. Claude de contacter un dépôt
vente pour les meubles restant et Sophie de trier le grenier puisqu’elle ne travaille pas la semaine suivante.
Samedi en huit au soir. Tous attablés au jardin.
Dans ce petit bourg qui les a vu grandir les week-ends et les vacances scolaires, les discutions vont bon train. L’état affectif de la maman questionne. Les questions matérielles sont évincées
pour ne conserver comme sujet de prédilection que l’affectif.
- Quelqu’un a des nouvelles de papa tente Claude avant de se prendre un méchant coup de latte de son ainée.
- Non ! et je ne veux pas que l’on prononce le nom de ce ‘saligot’ ici ! rage Paulette.
- Maman…
Essayant de calmer celle qui a toujours fait
preuve de douceur et de générosité pour sa fille unique, Jacqueline ouvre la bouche puis la referme. C’est encore trop tôt pour qu’elle puisse défendre qui que ce soit. Elle n’arrive déjà pas à
se défendre elle-même…
Prise par le désarroi de sa fille, Mamie
Paulette remet le couvert et vocifère. Sa colère remonte de loin. C’est qu’elle l’avait déjà bien vu faire le bougre et elle avait prévenue sa fille mais on ne l’avait pas écouté pour sur !
De toute façon y’a que son Rolland qui était bien (paix à son âme) et Dominique, mais ce n’est pas pareil pour le petit, il n’est pas comme un vrai garçon ; tous les autres hommes sont des
fourbes et des vilains menés par le diable et la convoitise. À part monsieur le curé cela va dans dire !
Mais déjà plus personne ne l’écoute. Une
étincelle de vie vient de redonner le sourire à une maman égarée dans la peine. Une vision du futur pas si mauvaise que ça si on y regarde de plus près. Une quatrième génération qui va balayer de
ses mains menues l’affront d’un mariage perdue. La naissance annoncée d’un petit poupon fait pour redonner espoir à une grand-mère délaissée…
Sophie Tardien lâche l’information en un sanglot
compatissant. Causé par une male oubliée de vêtement de bébé. Les leurs. Souvenirs de la joie et des rires d’une maman qui se propose déjà de se remettre au tricot. Au crochet et à la peinture…
afin de tout recommencer. Dans les yeux doux et sensibles de sa fille qui espère tout bas le calme de sa grand-mère dans les doux songes d’un petit garçon annoncé… Raymond Tardien.
»
Voilà ma participation en 1372 mots et tant pis
si je ne peux pas concourir parce que je n’habite pas là où il faut (non mais !) Il m’a fait plaisir de l’écrire ce texte. Je vous le livre donc avec amitié. Bisous.
Laure.