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De Vous À Moi...

  • : Mélimélo des sens ou le plaisir des mots
  • : Ce blog né sans but précis, si ce n'est le plaisir de m'ouvrir à vous, ami lecteur. De l'envie de partager tout le fourbi qui gravite dans ma tête, de l'oppression de certains actes choquants ou bouleversants, de ma nécessité de donner, mais aussi de cette capacité à formuler mes abnégations et mes interactions sociales ou mentales, je vais me livrer à vous. Je vous offre mes écrits, mon coeur et mes mots. N'hésitez pas à me laisser vos impressions ou juste un bonjour en passant... Amitié Laure.
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Infos Auteure :

Dédicaces 2013 : Planing construction A paraitre 2013 : Premier livre jeunesse « Matin Chagrin » Deuxième roman « Plus ne m’est rien sans toi »

Mon premier roman

PAR'ANGE 

 

par'ange

Ma première nouvelle publiée

"Un instant pour disparaitre"

dans le recueil de textes

"Pourtant elle tourne!"

paru aux éditions du Roure

 

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Au métro Léchat, Julie marchait d’un pas assuré pour quitter cet enfer d’odeur et de vie confiné qui la répugnait. Le tourniquet d’entrée. Les secousses du trajet. Les effluves des corps. Les paroles nauséabondes. Les prunelles persécutées. Et la descente dans leur bagne métro-boulot-dodo. Leur calvaire et le sien ! À seize ans, sans moyen de locomotion, le métro même pour deux stations était d’une utilité décadente. - Prends sur toi ! Les regardes pas, se chuchotait-elle pour éviter de vomir. La foule la rebutait. L’ambiance. Leur râle. Mais, la délivrance arrivait. Avec elle, elle serait à nouveau libre de composer son temps au rythme des battements de son cœur de jeunette.

 

- Bonjour, t’as une petite pièce, s’il te plait ? lui demanda l’homme en guenilles, agenouillé à l’écart des passants.

- … Incapable de lui répondre. Elle le regarda plus encore. Pourquoi n’avait-elle jamais fait attention à eux ?  Pourquoi ne voyait-elle pas la vie comme dans leurs yeux ?

- Tu joues de la guitare petite ?

- … Dans son regard, elle ne voyait pas la souffrance ni la faim, juste un misérable musicien de métro qui s’était perdu. Incapable d’ouvrir la bouche ni de bouger, elle continua de le fixer. De sa main gauche, il commença à gratter sa sèche. Avec brio certes, mais il lui manquait quelque chose. Quoi donc ? Se demanda-t-elle alors qu’il entamait une suite de notes lourdes de vérité. Une incantation. Une délivrance. Un petit air à la Brassens, sans paroles équivoque. Juste quelques sons que personne n’oubli jamais. Une harmonie que tout le monde a entendu une fois dans sa vie. Cet air qui vous rappelle une balade dans le passé. Une nostalgie d’insouciance. Une effervescence de joie perdue chez tous les vieux !

 

Après lui avoir adressé un sourire et livré un Euro symbolique pour cet art commun, elle abandonna le désespoir pour rejoindre son envi. Ses atouts. Son ivresse. Et irrémédiablement un autre être répugnant, certes, mais riche de savoir. Ce professeur de guitare aux allures de pervers qui lui donnait chaque samedi matin des cours de perfectionnement. - Vivement juin que je le lâche celui là, car j’en peu plus, se libéra la jeune fille en pensées.

 

Onze heures sonnait quand elle entra dans la salle sombre. Martin n’attendait qu’elle. Ne respirait que pour ses doigts. Sa fougue d’adolescente. Son crescendo de savante. Son exaltation de déesse du rock. Elle avait ce pouvoir qu’il avait perdu. Cette sagesse que les corps ne ressentent que quand les vibrations partent de l’échine pour remonter à leur nuque dans un frisson d’exaltation. Ce râle de plaisir irraisonné dont le seul mouvement d’une main sur un corps en bois pouvait alléger le silence. Cette seule possibilité au temps de s’adoucir. Cette douleur si agréable qu’il ne se damnait que pour cette heure là. Avec elle.

 

- Bonjour Julie.

 - Bonjour monsieur Clepton.

 - On va travailler l’exercice en fa bémol aujourd’hui.

 - Ok.

 - As-tu fait une composition cette semaine ?

 - Oui.

 - Super !

 

L’excitation au bord des tempes. Le rythme au bord du cœur. Les sens aux aguets. Martin ne chercha pas à se retenir. À 62 ans, il n’était plus capable de se contenir. Son corps se cambra et dans une expression de désir. Il ferma les yeux pour ressentir cette nouveauté dont elle seule avait le secret. Cette douce magie des compositeurs de Génie…

 

- Pourquoi tu t’arrêtes ?

 - C’est l’heure !

 - C’est bon, on a cinq minutes ! Tu me joues la suite ?

 - Désolé, monsieur, je dois filer…

 

Dans un moment de désespoir, il la regarda ranger sa Takamine. Il entraperçu une dernière fois le sifflet doré. Ses doigts sur les chevilles si précieuses. Il entendit par dégout le vulgaire effet de la fermeture à glissière sur le tissu. Et plus rien. La tristesse l’avait rattrapé. Elle n’était plus là. Même son excitation retombait.

 

Fuyant ce trépas symbolisé par ce stupide mytho des temps passés, Julie avançait à travers le parc. Contournant le lac de Créteil, elle tremblait encore de cette chaire de poule caractéristique de son désir d’amour. Ce désir de tendresse qu’elle transmettait aux autres. Enfin, qu’elle essayait de transmettre aux autres. - Bah ouais, je ne suis quand même pas la fille cachée de Jimmy Hendrix quand même ! Ronchonna l’ado oppressée par ses doutes. L’avancée vers le Centre Commercial se fit lente. Dans sa tête, les notes raisonnaient encore. Le cheminement de son désir. Le souffle de ses pensées. L’extase de ses envies. Elle ne voyait pas les notes. Sa partition était blanche. Vide d’encre dansante. Vide de signes. Vide de croches ou de blanches. Rien. La musique raisonnait dans son esprit. Les La battaient les Ré. Les Si embrassaient les Fa. Les do la suppliaient de les faire languir encore. Rien n’était pareil dans son crâne. Les notes envahissaient son espace en un tout si délicat qu’elle se laissait submerger par leurs émotions. Comme une vague de plaisir abondant, elle ne luttait pas devant cette folie douce. Elle composait en marchant. Jouait en dormant. S’extasiait en se lavant. À tel point qu’en un instant, dans un doux rythme, elle ne senti pas le vacarme la persécuter. Son esprit dansait pendant que son sang fuyait de son corps mutilé.

 

- Encore une idiote qui ne sait pas regarder devant elle ! Rouspéta le conducteur embêté d’être retardé dans son stress quotidien.

 

Eclatée sur le bitume. Elle ne voyait plus rien. Son esprit s’envolait comme ses mélodies. Qu’aurait-on pu faire pour elle ? Elle n’était encore personne. Rien. Non. Personne. Juste une marre de décomposition avec un sourire de plaisir malsain. Une alchimie des sens en un regard de fou. Personne ne la croiserait plus. Personne ne l’écouterait plus. Mais en avait-on seulement envi ? Lui aurait-on seulement laissé l’enchantement de se dévoiler ? Surement que non…

 

 

Copyright :

 

Texte : Laure Verschuère.

 

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